La nomenclature Dintilhac (du nom d’un ancien président d’une chambre civile de la Cour de cassation) établit une liste de préjudices indemnisables pour les victimes de dommage corporel. Elle est très utilisée par les tribunaux et les avocats de victimes (beaucoup moins par les compagnies d’assurances qui ont leur propre nomenclature). Cette nomenclature a conçu le préjudice esthétique temporaire comme distinct de tout autre poste de préjudice. Elle le définit comme « des atteintes physiques » « durant [la] maladie traumatique », « voire une altération de [l’]apparence physique, certes temporaire, mais aux conséquences personnelles très préjudiciables, liées à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers ».
La Cour de cassation avait déjà rappelé l’autonomie du poste correspondant au préjudice esthétique temporaire (par exemple : 3 juin 2010 n° 09-15730). Dans un arrêt du 4 février 2016 (n° 10-23378), elle s’est à nouveau prononcée sur la définition de ce poste de préjudice, dans le cas d’une victime d’un accident de la voie publique. Cette dernière avait été indemnisée de son préjudice esthétique temporaire par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui avait décidé de l’inclure dans le poste de préjudice « déficit fonctionnel temporaire ». Or ce poste de préjudice est défini ainsi par la nomenclature Dintilhac : il « cherche à indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est-à-dire jusqu’à sa consolidation. Cette invalidité par nature temporaire (…) va traduire l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu’à sa consolidation. Elle correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime, mais aussi à la “perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante” que rencontre la victime pendant la maladie traumatique ». Le déficit fonctionnel temporaire ne correspond nullement à un préjudice esthétique temporaire.
Forte des définitions de la nomenclature Dintilhac distinguant les deux postes de préjudices, la victime s’est donc pourvue en cassation. L’un des moyens du pourvoi en cassation souligne que « la cour d’appel qui a inclus dans le préjudice fonctionnel temporaire le préjudice esthétique temporaire quand l’un des postes est destiné à indemniser la gêne dans les actes de la vie courante et en particulier la privation de qualité de vie tandis que l’autre est destiné à indemniser la rupture de son apparence physique, de sa gestuelle et de sa démarche tant au regard des autres que de la victime elle-même, a violé l’article 1382 du Code civil, et le principe de l’indemnisation de l’entier préjudice subi par la victime ».
L’indemnisation du préjudice esthétique temporaire doit donc être réalisée de manière séparée, car il s’agit d’un poste de préjudice à part entière. Ce nouvel arrêt est d’ores et déjà utile pour les avocats de victimes confrontés à la mauvaise foi des compagnies d’assurances. Alors que depuis les premières utilisations de la nomenclature Dintilhac en 2006, les compagnies d’assurances faisaient en sorte de minimiser tant la reconnaissance que l’indemnisation du préjudice esthétique temporaire, elles le prennent beaucoup plus en compte depuis cet arrêt de 2016.